Cet article analyse un épisode célèbre du début des années 1960, lorsque le Sénateur J. William Fulbright, alors président du comité sur les relations internationales au Sénat, a enquêté sur les activités de propagande anticommuniste des « ultras » de droite dans l’armée américaine. L’épisode sert à examiner le phénomène des cold warriors’, ces figures qui ont associé toute leur identité politique au « combat » de la guerre froide. Une figure particulière s’est rapidement démarquée, illustrant la paranoïa qui inquiétait tant Fulbright : le général de division Edwin Walker. La dispute entre Fulbright et Walker (et leurs sympathisants au Congrès) n’était pas un moindre épisode politique, puisqu’il a bientôt impliqué le président Kennedy et son secrétaire de la Défense Robert McNamara, qui ont témoigné devant le comité d’enquête au Sénat. Il a aussi marqué la confrontation entre une position orthodoxe antisoviétique et une nouvelle vision du monde, incertaine mais plus flexible, celle de la Détente. Le cas de Walker illustre le débat et le fossé grandissant au sein de la politique et de la société américaines entre ceux qui considéraient la guerre froide comme une lutte acharnée jusqu’à la fin, et ceux qui étaient prêts à accepter l’existence de l’Union soviétique au nom d’une stable Détente. En s’appuyant sur le travail d’Anders Stephenson, cet article explore les grandes implications politiques de la dispute Fulbright-Walker dans le contexte des dynamiques changeantes de la guerre froide.