Dans une démocratie pluraliste, toute compréhension honnête des prises de position des acteurs politiques nécessite une attention soutenue à l’évolution de leurs horizons d’attente. Sous la Troisième République, avant l’élaboration et la généralisation des sondages d’opinion, il était difficile pour la classe politique de connaître ce que l’on appelait « l’état d’esprit » des populations. Entre deux élections législatives, le meilleur moyen de cerner de possibles évolutions politiques de l’opinion publique était d’étudier les élections intermédiaires, élections locales générales et élections partielles. La candidature malheureuse de Léon Daudet à une élection sénatoriale partielle en juin 1925 montre tout l’intérêt que l’historien du politique peut avoir à généraliser cette démarche.
Cette étude montre comment, après l’accomplissement au tournant des années 1970, à travers les débats sur la contraception et l’avortement, d’une véritable seconde Séparation – avec la morale catholique –, on en est venu à pratiquer au Parlement la consultation pluraliste des sensibilités religieuses dans le domaine nouveau de la bioéthique tout en généralisant, à l’occasion du débat sur les signes extérieurs d’appartenance religieuse, la défense de la distinction des compétences au nom de la laïcité.
La question de la ratification du traité de Maastricht en 1992 provoque une véritable division de la famille gaulliste en deux camps, même si le clivage entre pro- et anti-maastrichtiens plonge ses racines dans une histoire plus lointaine du gaullisme. Le tandem Philippe Séguin/ Charles Pasqua va ranimer la flamme de l’indépendance nationale et de la souveraineté en se déclarant ouvertement hostile à une Europe fédérale. Les parlementaires du Rassemblement pour la République (RPR) se divisent sur la question référendaire et le camp du « non » rassemble des députés et des sénateurs de toutes les générations et aux itinéraires hétérogènes. Les attaques se concentrent principalement sur le projet de l’Union économique et monétaire (UEM), la crainte de la dérive technocratique et de la « menace » fédérale. Pourtant, la courte victoire du « oui » ne fait pas du tandem Séguin/Pasqua les vainqueurs de Jacques Chirac, c’est-à-dire d’un camp sur un autre. L’imperium du président du RPR n’est pas réellement remis en cause, puisque la famille doit se rassembler en vue des élections législatives de mars 1993. Tout compte fait, l’impact de Maastricht est plus important sur le long terme, dans la mesure où la campagne référendaire peut être considérée comme un tournant dans l’histoire de la droite parlementaire, que sur le court terme. Les positionnements passés face à Maastricht seraient devenus, au fil du temps, une ligne de démarcation politico-culturelle entre pro-européens et partisans d’une autre Europe, pour qui la souveraineté serait encore une borne-témoin.