Cet article propose et définit un type de souveraineté appelé « régime de souveraineté eurasienne ». L'interprétation se fonde sur une analyse, dans la très longue durée (du XIe siècle à nos jours), d’un mode de gouvernement s’exerçant dans une région stratégique pour l’affirmation de l’autorité politique russe, celle de Kazan et de ses environs. Les attributs principaux de ce régime sont le pouvoir supérieur du souverain (le khan, l’empereur), souvent issu d’un peuple étranger à la région ; la normalité des différences culturelles entre groupes de sujets; la gouvernance au moyen d’intermédiaires (conseils de villes, chefs de clans, autorités religieuses, et autres pouvoirs locaux); les relations personnelles, contractuelles et souples avec les pouvoirs "externes" le long de frontières mouvantes et, verticalement, dans les hiérarchies des serviteurs; la précarité des élites autour du souverain; et la pratique de révision des règlements ("a politics of re-making the rules"). La souveraineté est préservée et animée par les élites précaires qui s’engagent à la réfection des règles du jeu. La renégociation continue des contrôles sur multiples unités sociales et économiques par les élites autour du grand chef maintien et renforce le régime de souveraineté eurasienne.
Dans l’Algérie française de la fin des années 1860, l’État est à la recherche d’une organisation administrative du territoire conquis. Plusieurs formes communales se développent et parmi elles, la commune mixte. Pour ses concepteurs, la création de cette entité a une visée singulière : étendre la colonisation dans l’intérieur du pays par l’accroissement du peuplement européen dans des villages ; favoriser le contact colons/colonisés et le développement d’une « éducation civique » de ces derniers. C’est donc une construction transitoire vers la commune de plein exercice, telle qu’elle existe en métropole.
Les « années 68 » ont constitué dans la plupart des partis politiques d’Europe de l’Ouest un moment programmatique. Le nombre sans précédent et l’importance historique des programmes rédigés alors reflètent la volonté des partis de réagir à la « crise du temps » caractéristique de la période et au défi politique lancé par les mouvements étudiants en réaffirmant leur rôle social à travers leur capacité à proposer un projet d’avenir. Jamais les programmes ne tinrent une place aussi déterminante dans la propagande et l’activité militante, devenant un élément majeur de la transformation de l’engagement politique. Cet article propose une lecture alternative des programmes à l’aune du rapport au temps et d’une comparaison transnationale des évolutions du PCF et de la CDU, deux partis aux cultures nationales et partisanes opposées, mais au sein desquels le programme commun de gouvernement de la gauche (1972) et le Programme fondamental de la CDU (1978) jouèrent un rôle en bien des points similaire, réintroduisant au cœur de la politique la question du projet.